L’état des lieux

Anne-Claude Hue, stagiaire pour les Amis du Parc de Chartreuse en 2008 a réalisé une étude systémique de l’infra territoire que constituent les gorges du Guiers Mort. Une partie de son travail d’analyse est présenté ici, complété par des points soulevés par d’autres études effectuées antérieurement pour le compte de l’association.

Le Guiers Mort constitue, sur un espace réduit façonné par l’eau, une illustration des dynamiques à l’oeuvre sur l’ensemble du territoire de Chartreuse. Y sont concentrés les activités, les projets et leurs freins, les enjeux, les acteurs et les usages gravitant autour de l’eau.

Poser le décor

Le patrimoine des gorges, tant naturel que culturel, forge l’identité du lieu. En connaître les aspects principaux permet d’appréhender plus facilement les enjeux présents et futurs pour ce territoire. Les éléments de ce patrimoine caractéristique sont notamment :

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L’entrée du désert de Chartreuse par les gorges du Guiers Mort
Source : éditeurs chocolat Klaus


- Les gorges, voie de pénétration au coeur du massif. Au fur et à mesure du soulèvement du massif, la rivière s’est encaissée, sculptant le relief pour donner naissance aux gorges qui recoupent les plis et les failles. Au départ de Saint Laurent du Pont, ces gorges donnent aujourd’hui l’impression d’une gigantesque porte, vers le cœur du massif de la Chartreuse.

« Astuce » Le belvédère des Sangles, situé sur une hauteur calcaire d’une centaine de mètres offre un panorama sur les gorges ; il est accessible par un sentier balisé au départ de la route forestière de Valombré.

-  La richesse de la faune et la flore locales. Les gorges recèlent tous les animaux typiques du massif (le chevreuil, le chamois, ou encore le tichodrome échelette).
La forêt, dominante en Chartreuse y est là-aussi majoritaire. Mais les gorges contiennent également les espèces végétales inféodés aux milieux humides (la pétasite, la scolopendre), et les espèces piscicoles limitées aux cours d’eau de bonne qualité (la truite fario et le chabot).
Le site Natura 2000 situé entre le Pic de l’Oeillette et le Charmant Som (2070 hectares de 533 à 1867 mètres d’altitude) a pour objectif de préserver ces richesses. Les gorges renferment également un site naturel classé de 1300 hectares aux abords du couvent.

info Les animaux des torrents présentent des adaptations leur permettant d’affronter le courant : les larves de tricoptères sont équipées d’étuis lestés de cailloux ! Mais spécialisation rime avec vulnérabilité...La modification même légère de leur environnement entraine la perte de l’équilibre fragile en place.
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Source : Amis du PNR de Chartreuse


- Le patrimoine hydraulique, industriel et religieux de l’Ordre des Chartreux, dont les ruines ou les constructions subsistent largement aujourd’hui, confère un caractère unique au lieu.

En savoir + sur la mémoire du Guiers.

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Cascade of the Chartreuse 1802
Source : JMW. Turner


- La beauté du lieu, fait des gorges du Guiers Mort un espace de contemplation pour tous et une source d’inspiration pour certains. Elles ont été représentées par Turner (croquis et aquarelles de 1806), Tirpenne (lithographie de 1826), ou encore Champin (XIXe siècle). Elles ont aussi suscité nombre de descriptions littéraires, comme celles d’Alexandre Dumas (les Alpes, de la Grande Chartreuse à Chamonix - 1832), et de Stendhal (Mémoires d’un touriste – 1838).

info L’analyse lexicale des discours des personnes interrogées sur le lieu par Anne-Claude Hue fait ressortir les mots « beauté », « caractère sauvage », « porte d’entrée », « vallée encaissée », « mystères », « vestiges », « fragilité ».

Si les gorges du Guiers Mort ne sont pas habitées, elles sont loin d’être un espace sans vie. Ici les projets bourgeonnent, les activités fleurissent, les acteurs fourmillent.
Les projets pour les gorges doivent tous prendre en compte les richesses et spécificités du lieu.

Les activités d’aujourd’hui

Là où certains ne font que passer, empruntant les gorges pour tracer vers d’autres horizons, d’autres s’arrêtent. Ils y trouvent matière à pêcher, à marcher, à contempler, à descendre, à restaurer, à découvrir, à admirer, ou à travailler. Pour autant ils s’y mélangent peu. Aperçu des activités.

-  La route D520b, voie de passage
La route départementale D520b qui traverse les gorges est empruntée par les populations locales en migration pendulaire (déplacements journaliers pour rejoindre le lieu de travail depuis le lieu d’habitation), par les employés des entreprises locales, et par les usagers des stations touristiques hivernales et estivales du massif (Saint Pierre de Chartreuse, Le Sappey en Chartreuse,…). Cette route est par ailleurs appréciée des motards et cyclistes.

- Les activités de tourisme et de loisirs
Le monastère de la Grande Chartreuse ainsi que le musée situé à la Correrie constituent des pôles touristiques locaux de grande renommée. L’ensemble attire chaque année environ 100 000 visiteurs, dont 60 000 entrées payantes au musée. Par ailleurs, le monastère de Currière accueille des personnes pour des retraites temporaires.

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Source : Team EVO ; http://www.eauxvives.org/fr/rivieres/voir/guiers-mort

En s’enfonçant plus bas sur les berges du cours d’eau, on peut trouver quelques randonneurs que l’on croirait perdus : l’accès est difficile dans ces gorges encaissées, où les sentiers balisés et sécurisés restent rares. Les kayakistes et pêcheurs sont plus nombreux. Les premiers apprécient les hautes eaux tumultueuses de la fonte des neiges, les seconds la truite fario qui s’y glisse. La Fédération Départementale de Pêche de l’Isère a créé un parcours de pêche à la mouche « no-kill » (3km). D’autres lots sont gérés par les AAPPMA (Association Agréée pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique) locales ou directement par l’ONF.

-  Les activités économiques autour du Guiers
Bien que peu nombreuses, quelques activités économiques existent sur le site des gorges du Guiers Mort : l’ONF assure l’entretien de la ripisylve et l’exploitation forestière (la forêt recouvre plus de 80% de l’ensemble du site des gorges).
Les gorges accueillent deux microcentrales hydorélectriques : La première située au niveau du Pont de l’Orcière, alimente partiellement en électricité la cimenterie Vicat présente sur la commune de Saint Laurent du Pont depuis 1875. La seconde au débouché des gorges, est gérée par l’entreprise Botta, qui revend l’électricité à EDF. L’entreprise BOTTA est une entreprise artisanale et familiale de travaux publics crée en 1900.

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Schéma de synthèse des activités dans les gorges du Guiers Mort
Source : A-C Hue

En savoir + : Les études et rapports de stage