La thématique de l’eau sur le territoire des Alpilles est un enjeu majeur pour l’avenir encore plus qu’ailleurs en vue du réseau hydrographique propre à ce territoire à part.
De quelle façon le PNR des Alpilles se saisit-il de ces enjeux ? Comment est gérée l’eau sur les Alpilles ? Existe-t-il une politique de gestion globale de l’eau ?
Eléments de réponse par le biais d’un entretien avec Laurent FILIPOZZI, Chargé de mission eau au PNR des Alpilles.
Pouvez-vous me donner un état des lieux général sur l’eau dans les Alpilles ?
Les Alpilles sont un territoire qui globalement n’a pas de réseau hydrographique permanent naturel. Autrement dit, le seule ressource naturelle des Alpilles est constituée des eaux souterraines et des eaux de pluie. Mais l’homme a su s’affranchir de ce problème, comme ailleurs en milieu méditerranéen, en amenant l’eau par le biais de canaux depuis la Durance. Les canaux ont permis de se prémunir contre le climat méditerranéen et ses sécheresses. Deux canaux principaux desservent les Alpilles, un au nord et un au sud.
Ces canaux contribuent à l’alimentation des nappes du fait de la technique d’arrosage pratiquée ici, à savoir l’irrigation gravitaire. Les nappes présentent sur le territoire sont plus ou moins profondes et extrêmement dépendantes des eaux de surface, qu’elles soient issues des précipitations ou des surplus d’irrigation. S’il n’y avait pas d’irrigation, les nappes ne seraient pas dans l’état où elles sont et le profil du territoire ne serait pas celui que l’on connaît aujourd’hui.
Il y a toutefois sur le territoire des Alpilles une grande zone humide constituée de polders et de marais relictuels : le marais des Baux. Cette zone a été drainée, asséchée, pour des problèmes de santé publique dans un premier temps et ensuite pour gagner des terres pour l’agriculture.
D’après les données du SDAGE, l’eau est plutôt de bonne qualité. Il ne faut pas oublier que l’eau vient de la Durance dont on connait la qualité et l’eau des nappes est globalement de bonne qualité.
Cependant, le relief des Alpilles est karstiqueet vulnérable aux pollutions car ce type de relief, très fissuré, fait en sorte que l’eau pénètre facilement dans la roche et recharge les nappes plus ou moins rapidement, en se filtrant plus ou moins.
Notre situation est un peu paradoxale. D’un coté nous avons un territoire très sec, sur lequel l’agriculture n’est rendue possible que par une « perfusion » d’eau de la Durance via un réseau artificiel de canaux d’irrigation et d’un autre côté nous avons un marais qui recueille les eaux de ruissellement sur une bonne partie du territoire, dont le niveau est tellement bas par rapport à la mer, que l’on s’efforce de « pousser » l’eau à la mer pour maintenir d’autres terres cultivables.
Quelles sont les structures en charge de la gestion de l’eau sur le territoire ?
Les canaux sont gérés par des associations syndicales, les ASA (Associations Syndicales Autorisées), les ASCO (Associations syndicales Constituées d’Office) ou encore les ASF (Associations Syndicales Forcées). A la tête de ces associations, qui sont sous tutelle de la préfecture, nous trouvons généralement des agriculteurs.
Il s’agit d’un système de gestion agricole. Les agriculteurs gèrent la ressource en eau et les ouvrages. Ce sont eux qui distribuent l’eau et qui recouvrent la cotisation des ayants droits à l’eau. Les personnes qui ont un champ et qui bénéficient de l’eau d’irrigation, ou qui ont un champ pour lequel l’eau est pompée, paient des cotisations à l’association syndicale qui les représente.
Par quels outils le Parc fédère t-il les différents acteurs de l’eau ?
Par la concertation essentiellement. Concrètement il s’agit par exemple du comité territorial de l’eau, ou encore de groupes de travail, en fonction des sujets. Ces groupes de travail rassemblent les acteurs du territoire concernés par le thème traité. Cette proximité est absolument nécessaire car ce sont ces acteurs qui gèrent l’eau et les ouvrages qui s’y rapportent. Le Parc sert donc à les rassembler et à discuter ensemble de problématique ayant différents niveaux de répercussions en fonction des usagers. Les décisions doivent donc être prises en commun.
Actuellement, nous lançons une étude sur la ressource en eau, pour avoir un état des lieux de la ressource actuelle, d’un point de vue qualitatif et quantitatif. Le but est de se projeter sur un futur de 20 à 30 ans et d’envisager l’évolution de la situation, au regard du changement climatique, au regard des évolutions des usages et des besoins, pour voir s’il sera possible de satisfaire la demande en eau.
Dans le cadre de cette étude, nous allons rassembler les acteurs autour de la table et essayer de tisser ensemble le profil du territoire et de son évolution. L’objectif est de donner des outils de décision pour envisager sereinement l’avenir du territoire et de ses usagers.
Cette étude servira de base de réflexion à notre comité territorial de l’eau, lequel proposera au comité syndical du Parc les orientations pour l’élaboration de sa politique de gestion de l’eau.
Quels sont les grands enjeux que s’est fixé le Parc pour répondre aux problématiques liées à l’eau des Alpilles ?
Il y a en premier lieu l’enjeu du réseau d’eau, notamment le réseau agricole, souvent oublié des aménageurs du territoire. Notre objectif est de faire reconnaitre le réseau dans les documents d’urbanisme, les SCOT, les PLU, et tout autre document qui puisse servir de reconnaissance et de légitimité pour pérenniser les canaux, le réseau d’irrigation et de drainage.
Ensuite, il y a l’enjeu de la gestion globale de l’eau. Nous travaillons donc sur la mise en place d’une politique de gestion globale et concertée de l’eau.
Concernant les aspects qualitatif et quantitatif, nous souhaitons travailler sur un usage raisonné et optimal de la ressource tout en améliorant notre connaissance sur sa qualité et sa quantité. Enfin, il est crucial de réduire les points faibles du territoire face à la vulnérabilité de la ressource.
Le Parc s’est également donné comme objectif de réduire le risque inondation. Ce risque s’exprime concrètement par des villages inondés, des ruptures de digues, des terres agricoles inondées… Nous avons un climat méditerranéen, avec des précipitations brusques et souvent importantes. On se retrouve parfois avec 200, 300 mm d’eau en 24 ou 48h, autrement dit, la moitié de ce qui tombe en une année chez nous. L’eau tombe sur le relief, ruisselle et descend vers les marais où elle s’accumule avant d’être poussée à la mer. Le développement de l’urbanisation et son corollaire, l’imperméabilisation des sols, engendre des problèmes de montées des eaux rapides dans les villages. Des solutions restent à trouver, d’autres à mettre en place. Un vaste chantier.
Dans tous les cas, le Parc se doit de traiter les enjeux de manière intégrée, c’est-à-dire en considérant les autres aspects des problèmes. Par exemple en matière d’inondation, il est indispensable de prendre en compte les problématiques attenantes comme l’environnement (patrimoine naturel, cadre de vie…), l’économie… afin de proposer des réponses cohérentes, globales et durables.
Le Parc Naturel Régional des Alpilles propose en téléchargement un dossier complet sur la connaissance de l’eau dans les Alpilles